Le silence dans la méditation et la relation thérapeutique
Par Marc Scialom
Le silence est rare, il est essentiel
Le silence devient aussi rare que l’obscurité disparaît dans les villes. Pollutions lumineuses, pollutions sonores… Certains citadins vivent des angoisses lorsque, partant en vacances dans la nature, ils rencontrent le silence. Cette perte du silence n’est pas un accident – certains citadins ont fini par craindre le silence parce qu’il déchire le voile de distraction que crée le bruit.
À la radio ou à la télévision, le silence n’est pas
accueilli, il doit être vite comblé car il représente une baisse d’audimat. La norme du journaliste compétent est celui qui délivre le maximum d’informations dans un minimum de temps… Pour beaucoup de personnes, le mode de communication des médias est devenu la norme dans le dialogue, la relation.
Donc, lorsque nous nous formons à la relation d’aide, nous avons à nous défaire de ce conditionnement. C’est le silence qui donne de la valeur à l’empathie. Nous connaissons tous, une certaine pratique de l’écoute active, de la reformulation, qui vient d’une posture formatée, intellectuelle, empreinte d’agitation mentale.
Exposés à ce type d’écoute, nous pouvons nous dire : « Tiens, cette personne reformule bien tout ce que j’ai dit. Néanmoins, je ne me sens pas écouté. Pourquoi ? »
L’agitation mentale du praticien – préoccupé par son devoir de reformuler – est perçue par celui ou celle qui est écouté. Cette pratique superficielle de l’écoute (qui toutefois est mieux que rien du tout), ne permet pas l’instauration de la confiance ni de la profondeur dans l’alliance thérapeutique. Elle ne permet pas l’empathie et nous percevons bien ce qui fait défaut.
Le silence n’est pas seulement les intervalles ou les espaces entre les phrases ou les mots. Il est la vacuité à l’intérieur des mots et des phrases. Cette vacuité ou disponibilité donne une dimension supplémentaire à la parole de l’autre, celle du sens, du vécu partagé.
C’est le silence au cœur des mots et de la reformulation qui fait ressentir à celui ou celle qui est écouté, l’intensité de la présence. Dans l’hypnose, c’est le silence qui offre à l’esprit ou l’inconscient (au sens éricksonien) de la personne de procéder aux réorganisations, aux transformations des expériences de vie.
Le silence vécu est pleine disponibilité à la relation
Cette vacuité est vécue curieusement aussi comme une plénitude. L’intimité avec le silence : un entraînement à la méditation.
C’est l’entraînement à la méditation qui nous permet une intimité avec le silence intérieur.
Voici un exercice de Pleine Conscience :
- Être conscient des pensées qui nous traversent ;
- Prendre conscience de l’attachement émotionnel à des situations pour lesquelles nous croyons que nous devons penser quelque chose ;
- Suspendre ces trains de pensée en donnant de la place au souffle, aux sensations corporelles ;
- Laisser se présenter ces situations dans le souffle, dans une qualité de silence.
Et pourquoi pas pratiquer cet exercice, ici et maintenant pendant la lecture ? Lire ces lignes tout en étant présent au souffle, au corps. C’est possible ?
La relation à ce qui est écrit, aux associations que les phrases génèrent, à nos pensées deviennent différentes.
Un peu comme dans cette métaphore visuelle : les pensées sont les montgolfières, l’espace et le ciel sont le silence. Le véritable silence est concomitant à l’activité mentale.
La pensée change de nature
La pratique de la méditation peut être formelle (temps d’assise ou méditation marchée) ou informelle par exemple, entre deux activités, dans les temps de transition, en voiture, dans le train…
Dans ces moments-là, j’aime bien faire appel à un mantra, comme un jeu avec moi-même. Je me pose la question : « Ici, maintenant, cette pensée est-elle bien nécessaire ? ».
Très souvent, la réponse est non. Alors je reviens à l’intimité, au souffle, aux sensations corporelles et énergétiques.
Le silence permet aussi de nous dépouiller des préoccupations excessives liées au rôle de psychothérapeute ou de coach, comme celles de vouloir prendre en charge le problème de l’autre, ou de trouver des techniques, des trucs pour le changement.
Et pourtant, le silence est paradoxalement le sésame qui ouvre les portes de la vulnérabilité, de la transformation, le sésame à l’intuition et à la créativité.
Les techniques de changement découlent de cet état d’être. Elles deviennent alors singulières, et non le déroulement d’un protocole uniforme. Pour comprendre vraiment ce que dit une personne, nous devons entendre ce qui se dit à travers le silence.
Dans cette qualité d’attention, le silence met en valeur la parole qui se présente alors, à la fois comme riche et fragile. Par une posture thérapeutique où le silence est incarné, l’écoute est profonde et une relation d’inconscient à inconscient ou d’âme à âme s’instaure.
Le changement, quand il a lieu, n’est pas vu par le thérapeute comme le résultat d’une technique ou d’un outil qu’il a utilisé mais comme l’incarnation d’un sens nouveau que la personne s’est approprié.
Le thérapeute, certes, utilise tout ce qu’il a appris (langage de l’hypnose, techniques PNL,…) mais la posture juste du thérapeute est celle du témoin émerveillé de l’émergence du sens, toujours singulier, chez la personne.
Redonner au sujet la cause du changement.
Valider la personne dans sa propre verticalité, celle de son évolution.